« Générations 2050 » : Emmanuel Métais nous explique le nouveau plan stratégique de l’Edhec

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HEADway Advisory 10/09/2024

HEADway Advisory

"L’Edhec vient de présenter « Générations 2050 », son nouveau plan stratégique 2024-2028, qui projette l’école à l’horizon 2050. Une année charnière pour l’humanité mais aussi symbolique car c’est le moment où seront diplômés les jeunes nés aujourd’hui. Son directeur général, Emmanuel Métais, revient avec nous sur les ambitions de l’école et son plan d’investissement de 270 millions d’euros sur les quatre prochaines années alors que le Financial Times publie aujourd’hui un classement qui donne la quatrième place mondiale au master in management de l’Edhec.

Olivier Rollot : Il y eut longtemps « l’Edhec de la finance », il semble y avoir une volonté de devenir « l’Edhec de la durabilité » dans votre nouveau plan stratégique. C’est un changement radical de priorités ?

Emmanuel Métais : L’axe finance fait toujours partie des grandes priorités de l’EDHEC et nous travaillons au déploiement d’une finance dite climatique avec nos centres de recherche. Le lancement de notre centre de recherche « for Net Positive Business » doit maintenant contribuer à la transformation radicale des entreprises, pour les accompagner dans la transition vers de nouveaux modèles dits « net positive », qui permettent de créer un impact positif sur l’économie et la société et pas simplement de réduire les externalités négatives.

O. R : Et pourquoi un plan « Générations 2050 » quand vos concurrents se propulsent seulement à 5 ans ?

E. M : Alors que nous sommes classés 7ème meilleure école de management européenne par le Financial Times – et 3ème française – grâce à notre développement soutenu, nous avons décidé d’accélérer encore nos investissements. Le plan « Générations 2050 » est le fruit de cette ambition et de notre volonté de construire un monde plus durable. Nous avons retenu l’horizon de 2050 car c’est un cap ambitieux et optimiste pour l’humanité où l’ONU a appelé les nations à atteindre la neutralité carbone, à respecter la biodiversité et à faire de l’éducation un bien commun. 2050 car c’est également l’année où nous recevrons les élèves qui naitront au cours de ce plan stratégique. 2050 c’est loin et près à la fois. Il y a 25 ans c’était l’an 2000 ! (...)

(...) O. R : Quelles sont les grandes priorités que vous avez définies dans ce plan ?

E. M : Nous en avons trois. La première, que j’ai déjà évoquée, est de favoriser l’émergence de ce qu’on appelle les entreprises « net positives », une notion conceptualisée par l’ancien patron d’Unilever, Paul Polman. Dans notre précédent plan « Impact Future Generations » nous avions insisté sur la nécessité de minimiser les impacts négatifs des entreprises. Aujourd’hui il faut aller plus loin et maximiser leurs impacts positifs.

A cet égard on peut retenir quelques initiatives précurseures. Le fabricant de câbles Nexans a par exemple revu son business model et toute sa chaine de valeur pour minimiser son empreinte environnementale tout en augmentant sa profitabilité. C’est ce que fait également une entreprise américaine comme Interface en séquestrant du carbone dans ses moquettes. Autre exemple à Arles où M2i produit des insecticides bio qui repoussent les insectes sans les tuer. Trois entreprises qui sont devenues plus vertueuses pour l’environnement tout en étant plus rentables !

Mais c’est encore difficile de transmettre le concept dans toutes les entreprises et c’est pour cela que nous développons tout un pôle de recherche dédié, auquel nous allons affecter environ 30 chercheurs et consacrer 20 millions d’euros dans les quatre années à venir avec les entreprises qui nous soutiennent. Il va être dirigé par René Rohrbeck, un professeur allemand qui dirige aujourd’hui notre chaire Foresight, Innovation and Transformation (FIT).

Côté entrepreneuriat, nous avons créé la méthodologie Responsible by Design (RED) pour aider les entrepreneurs à mettre en place une démarche responsable dès la création de leur startup. Une approche développée dans nos programmes d’incubation mais aussi dans notre fonds à impact « Générations Powered by EDHEC », qui sera à terme doté de 40 millions d’euros.

O. R. : Mais comment allez-vous former vos étudiants face à ces défis ?

E. M : C’est notre deuxième priorité. Nos étudiants doivent être « formés à transformer ». Depuis dix ans, nous avons profondément modifié nos programmes pour intégrer des cours sur les grandes transitions du monde contemporain. Par exemple, nous avons créé un MSc in Climate Change & Sustainable Finance avec Mines Paris – PSL.

Mais est-ce que nous avons vraiment appris à nos étudiants à transformer les entreprises de l’intérieur pour mener ces transitions ? Probablement que non, pas assez. Nous repensons donc nos programmes afin de doter nos étudiants des compétences nécessaires pour engager des changements durables dans leur environnement professionnel : esprit critique, sens de l’action, mais aussi sens de la coopération. (...)

(..) O. R : Vous l’avez dit, vous continuez à investir dans les questions liées à la finance. Mais dans un esprit là aussi plus orienté vers les questions de transition ?

E. M : Oui et c’est notre troisième priorité. Nous investissons 40 millions d’euros sur quatre ans dans la finance et en particulier la finance climatique. Concrètement, notre centre de recherche dédié met ses travaux au service des investisseurs pour leur permettre de mieux prendre en compte les enjeux climatiques dans leurs politiques d’investissement. L’EDHEC Infra & Private Assets Research Institute analyse quant à lui des milliers de projets d’infrastructures dans le monde pour évaluer l’impact du changement climatique sur la valeur de ces infrastructures. Dans une logique de recherche utile, les startups scientifiques issues de ces centres de recherche développent et vendent des outils à destination de l’industrie financière.

O. R : Dans votre stratégie il y aussi la volonté de développer votre dimension digitale avec EDHEC Online et surtout avec l’utilisation des intelligences artificielles génératives (IAG).

E. M : EDHEC Online doit représenter 10% de notre activité à terme. Nous créons par ailleurs EDHEC IA – et y investissons 20 millions d’euros – pour nous emparer de ces technologies. Nous allons même prendre la tête de la commission IA de l’alliance FOME, qui nous lie notamment à Imperial College, ESMT Berlin ou encore Johns Hopkins. Les outils évoluent très vite. Déjà les robots teaching assistants fonctionnent très bien. Un étudiant peut par exemple demander à une IA à laquelle on a fourni tous les supports d’un cours, de produire un quiz, plus ou moins compliqué et d’expliquer les difficultés. Sous la supervision d’un professeur, il est possible avec les IA de créer des études de cas avec des données très larges et de réagir dans un temps record. Sans oublier les corrections de copie.

Demain pourquoi pas envisager des cours 100% IA, comme les journaux télévisés que diffuse la plateforme Channel1.ia, en utilisant des avatars et ce dans toutes les langues ? Déjà, des start up imaginent créer dans les deux ou trois prochaines années des universités pour enseigner à 10 000 étudiants avec seulement 20 collaborateurs. Nous devons être prêts à relever le défi, tout en étant conscients des limites actuelles des IA qu’il faut entraîner et perfectionner. (...)

O. R : Les écoles de management s’interrogent beaucoup aujourd’hui sur leur modèle économique. L’EDHEC est une association à but non lucratif et entend bien le rester ?

E. M : Des écoles laissent entrer des fonds à leur capital car elles manquent de moyens. Or, faire appel à des investisseurs privés implique de renoncer à son autonomie et à se focaliser prioritairement sur la rentabilité. Et comment affirmer qu’on sert l’intérêt général quand les frais de scolarité payés par les élèves et les familles rémunèrent des actionnaires ?

Ce n’est pas ce que je veux pour l’EDHEC, l’éducation n’est pas un bien comme les autres. Notre école est bien gérée depuis 120 ans. Notre modèle économique est de s’appuyer sur la création de start up comme Scientific Beta, que nous avons vendue 200 millions d’euros en 2020 au bénéfice de la fondation EDHEC. Comme nos grandes consœurs américaines, nous comptons également sur la philanthropie, grâce à notre fondation qui lève de plus en plus (5 millions cette année) et sur un réseau de diplômés qui croient dans leur école. (...)

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