Agefi 29/03/2024
"Un rapport de l’EDHEC-Risk Climate Impact Institute détaille pourquoi les normes de reporting actuelles liées au scope 3 restent encore trop sommaires pour être utilisées lors de décisions d’investissement.
La nébuleuse autour du scope 3 tarde à s’éclaircir. Dans un nouveau rapport publié ce 28 mars, l’EDHEC-Risk Climate Impact Institute dresse un état des lieux à 360° sur la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre de scope 3, qui concernent toute la chaîne de valeur d’une entreprise. Malgré une importante hausse de ces publications volontaires, l'étude constate que les rapports “restent trop souvent un exercice de greenwashing, sont incomplets et ciblent peu les sources matérielles”. Cela, alors que ces données restent encore “naïvement” utilisées par les gérants d’actifs. Un manque de précaution que relevait en juin dernier l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) après un contrôle SPOT relatif aux données extra-financières.
“Sous la pression des intérêts du secteur des énergies fossiles, la SEC a tourné le dos à la déclaration des émissions de scope 3, réduisant ainsi son engagement en faveur de la protection des investisseurs et de l’efficacité des marchés de capitaux. Pourtant, il est essentiel de s’attaquer à ces émissions dans la double perspective de l’atténuation de l’impact sur le climat et des risques liés à la transition, ce qu’entreprises et investisseurs devraient prendre en compte dans leur stratégie”, rappelle Frédéric Ducoulombier, directeur de l’EDHEC-Risk Climate Impact Institute.
Une utilisation limitée
De fait, si l’avalanche récente de réglementations au sein de l’Union européenne a solidifié les exigences relatives au reporting extra-financier, de nombreux points de crispations demeurent. Tout d’abord, le rapport pointe du doigt un manque de bonne foi de la part de certaines entreprises publiant volontairement leurs émissions de scope 3. Bien que la norme relative, établie par le Greenhouse Gas Protocol (GHG Protocol) répartie les émissions du scope 3 en huit catégories upstream et sept catégories downstream, les entreprises sont libres d’en exclure certaines. En pratique, les entreprises ne partagent des données que sur un peu plus d’un tiers des catégories, en omettant pour la plupart les catégories les plus importantes, comme les catégories Biens et services achetés et Utilisation des produits vendus.
“Les déclarations d'émissions de la chaîne de valeur semblent privilégier la «convenance " à la matérialité. À titre d’illustration, la catégorie des voyages d’affaires est celle qui est la plus fréquemment divulguée, bien que sa contribution aux bilans soit anecdotique”, souligne Frédéric Ducoulombier. Il est tout de même rappelé que le standard du GHG Protocol accorde une large marge de manœuvre aux entreprises pour les inciter à suivre et à réduire leurs émissions au fil du temps. Ainsi, le problème réside dans l’utilisation de ces données comme cadre de comparatif entre entreprises par d’autres acteurs, tels que les gestionnaires d’actifs.
Renforcer la vigilance
“Les normes de déclaration actuelles ne sont pas conçues pour permettre des comparaisons entre entreprises et les données déclarées restent inadaptées à certaines utilisations recherchées par les investisseurs”, alerte le rapport. Une vigilance que les professionnels de l’investissement doivent également porter sur les modèles d’émissions de scope 3 conçus par les fournisseurs tiers, qui présentent encore des résultats “très divergents”. De fait, des valeurs identiques ont été identifiées pour seulement 68 % des entreprises ayant déclaré leurs émissions de scope 3, selon une comparaison entre deux référentiels majeurs.
Face à ces limites, le rapport recommande aux gérants de se limiter au scope 1 et 2 lorsqu’ils publient les émissions de leurs portefeuilles d’investissement, en prenant garde à éviter le double comptage. Et d’ajouter : “La publication de références incorporant les émissions du scope 3 des investissements sous-jacents devrait être accompagnée d’une mention des limites de ces données”. Parmi les recommandations adressées aux régulateurs, le rapport appelle à une mise à jour des cadres de référence en matière de transition climatique, comme les Accords de Paris, dont les indicateurs laissent encore trop de place au greenwashing."
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Scope 3 : Les données actuelles sont “inadaptées” à la construction de portefeuille